le botox peut être utile ailleurs que le seul traitement des rides!
L'utilisation du Botox et de ses variantes biomoléculaires a transformé le regard des patientes sur elles-mêmes. Trois ou quatre jours après l'injection, elles se plaisent à nouveau quand elles se regardent dans le miroir, avec une joie intime, et sont heureuses quand l'entourage leur signale qu'elles ont l'air reposées et en grande forme. Le rajeunissement obtenu, ou plutôt l'aspect plus apaisé de leur physionomie, les remplit d'aise surtout que nul bistouri n'a été nécessaire. Mais ce résultat est limité dans le temps, par prudence d'un dosage non toxique obligé. Cela impose des séances répétitives mais jugées indispensables par la plupart.
Le Botox, une toxine botulique diluée et chimiquement modifiée qui fut autrefois une substance toxique mortelle, est devenu une « drogue » qui conduit les patients à revenir régulièrement pour subir les injections rassurantes. Cela restaure leur narcissisme et apaise les traits marqués, les rides profondes, et de fait calme l'angoisse. Mais au-delà de l'indication esthétique, avec sa composante économique prédominante, la molécule du Botox et de ses variants est « magique », relaxante au niveau de la jonction neuro-musculaire, et ce à d'autres endroits du corps comportant des muscles striés ou lisses.
Ainsi se multiplient les applications en médecine et en chirurgie réparatrice, en différents endroits du corps, et des perspectives nouvelles apparaissent pour soigner diverses pathologies pour lesquelles l'autorisation officielle d'emploi (AMM ou autorisation de mise sur le marché) n'est pas encore forcément validée. Ce dernier volet - moins connu - nous paraît intéressant à approfondir et à analyser ici.
La toxine botulique a fait ses preuves
La formule chimique du Botox (toxine botulique) est C6760H10447N17430210S32. C'est une neurotoxine, qui bloque les molécules d'acétylcholine, base de la transmission entre le neurone et le muscle. Issue de la production du bacille du botulisme, cette toxine a été synthétisée et retravaillée par plusieurs laboratoires qui proposent des toxines toujours un peu différentes mais avec un effet superposable. Personnellement, je continue d'utiliser la toxine initiale produite par le laboratoire All.
La puissance de cette toxine est considérable. Elle a pu servir de projet d'arme chimique pour certains dictateurs, heureusement il existe des antidotes. Réduite à une très faible puissance après une considérable dilution, la toxine botulique a fait la preuve de son efficacité thérapeutique, dans de nombreux domaines qui vont aussi bien de la médecine esthétique dans le traitement des rides du visage par hypercontraction musculaire, au niveau d'autres localisations pour lesquelles il n'y a pas encore d'AMM (autorisation de mise sur le marché pour traiter les patients avec une validité officielle). Néanmoins, il y a une tolérance pour que les médecins puissent effectuer ces injections lorsqu'il y a un bénéfice avéré publié par des journaux scientifiques sérieux et des auteurs fiables.
Que peut-on attendre d'une injection de Botox A ?
Un couple d'ophtalmologues, Carruthers A et Carruthers JDA (voir l'article The Treatment of Glabellar Frown lines with C Botulinum-A Exotoxin), a utilisé pour la première fois une toxine très diluée dans le traitement du blépharospasme infantile, avec un grand succès, mais a suscité au départ incompréhension et même indignation de la part du corps médical stupéfait. Il s'agissait en fait du Botox A, toujours utilisé, parmi d'autres variantes de la toxine botulique.
La toxine botulique de type A a la particularité de favoriser une paralysie du muscle strié. Cela explique son intérêt dans les rides du front, de la patte d'oie, de la ride du lion.
Diminution des rides du front après injections de Botox. © Alessandro Grandini, Adobe stock
Les différentes zones possibles de l’injection efficace du Botox
En dehors des injections destinées à améliorer l'esthétique du visage, le Botox A a été utilisé dans différentes pathologies liées à la contraction du muscle strié, commandé par la volonté, ou au système involontaire appartenant au complexe neuromusculaire parasympathique.
- Hypersudation au niveau des aisselles des pieds et des mains, récidivante et gênante car il faut sans arrêt que le patient change de vêtements ou s'essuie les mains.
- Hypercontraction du sphincter vésical, avec rétention urinaire et douleurà la miction alors qu'il n'existe aucun signe de maladie infectieuse locale. Certains auteurs ont même préconisé les injections de Botox dans les cas d'incontinence urinaire d'origine vésicale.
- Douleurs migraineusesliées à la compression de certains nerfs, tel le nerf d'Arnold (douleur occipitale remontant vers l'avant du front), le nerf sus-orbitaire (douleur située sur l'arcade orbitaire et remontant vers l'arrière), migraine ophtalmique liée à la compression du nerf trijumeau (douleur centro-faciale d'origine profonde avec larmoiement et mal aux dents).
- Hypersialorrhée (excès de salivation) par excès d'activité de la glandeparotide située au-devant des oreilles.
- Bruxisme (frottement inter-dentaire par hypercontraction des muscles masséters) : les dents frottent l'une contre l'autre pendant la nuit et gênent souvent le partenaire, mais en plus provoquent une usure prématurée de la dentition.
- Tics du côté sain après paralysie faciale.
- D'autres indications restent encore à préciser : des publications multiples attestent de l'extension de l'utilisation du Botox en tant que traitement efficace dans des pathologies très variées mais il faut une validité scientifique absolue pour authentifier ces indications encore discutées.
Les résultats avant-après
L'atténuation des rides se fait entre trois et cinq jours. Après cette période d'accalmie le résultat se stabilise pendant six semaines environ, une petite récidive peut alors apparaître, ce qui explique ma technique particulière : je refais systématiquement une seconde injection d'une dose équivalente après 30 jours, afin de renforcer l'action initiale, et compenser les insuffisances, ce qui permet de prolonger la durée d'action, parfois redoublée.
Voici un exemple avant-après d'une correction d'hypercontraction du côté sain après paralysie faciale traitée par une greffe transfaciale par microchirurgie, puis injections ciblées de Botox A.
Avant injection de Botox, à gauche. Après injection, à droite. © Dr. Mitz, tous droits réservés
Quelles sont les précautions à prendre avant injection ?
Il est nécessaire d'avoir une peau bien propre, sans pustule ni poussée d'acné. Un nettoyage au gel désinfectant est pratiqué juste avant l'injection. Pour les patients présentant des poussées d'hyperglycémie avec un diabète de type 1 ou de type 2, il sera recommandé une abstention de consommer du sucre, du chocolat et de l'alcool dans les 48 heures qui précèdent l'injection et pendant les 48 premières heures qui les suivent.
Quels sont les risques que vous encourez ?
Injecter du Botox à des doses raisonnables ne vous fait courir aucun risque au niveau de votre santé, les risques allergiques sont minimes, il n'y a que deux inconvénients à redouter :
- le surdosage à un endroit par rapport à un autre ;
- une insuffisance d'injection générant une insuffisance de résultats, manifeste après quelques jours.
C'est pour cela que je pratique et que je préconise un contrôle à un mois qui permet de vérifier la qualité de l'injection et son efficacité, mais également de recommencer une injection pour prolonger la durée d'effet de la première.
Quelle est la durée du bénéfice obtenu ?
L'effet maximal après deux injections espacées d'un mois dure environ quatre mois puis l'effet commence doucement à décroître au niveau du front. Plus de la moitié des patients se contentent d'une double session de deux injections pendant un an. Au niveau des autres sites d'injection, la durée est très variable, il faut s'adapter aux situations locales et aux réponses individuelles et ne pas hésiter à refaire une séance complémentaire, notamment dans les cas préoccupants que sont l'hypersudation au niveau des aisselles et l'hypersudation des mains.
Quel est le tarif des injections de Botox A ?
La base actuelle de tarification est de 600 € à 800 € pour deux injections espacées d'un mois d'intervalle, et dans certains cas de réparation (paralysies faciales, blépharospasme, torticolis congénital) une prise en charge par la Sécurité sociale peut être envisagée.
Les zones où le Botox A ne marche pas
Les injections de Botox destinées à traiter les rides plus profondes du visage, tels les sillons nasogéniens, les plis d'amertume, ou les ridules de la lèvre supérieure ne sont pas très efficaces car le Botox paralyse le muscle mais ne permet pas d'épaissir les tissus interstitiels et de soutenir le collagène local. Pour accomplir cette action, il faut se servir de substances qui permettent d'augmenter l'épaisseur tissulaire. On peut recourir à de l'acide hyaluronique spécialement élaboré à cet effet, ou bien encore au microlipofilling graisseux qui doit être prélevé sur la patiente elle-même juste avant l'injection. Dans le cas de ce dernier procédé, il faut que la patiente soit avertie qu'il n'y aura que 30 à 40 % des cellules adipeuses injectées qui subsisteront, ce qui peut conduire à recommencer deux ou trois tentatives pour avoir un résultat aussi parfait que possible.
Conclusion
Les injections de Botox gagnent du terrain au niveau du corps humain : les indications se multiplient chaque fois qu'il est nécessaire d'entraîner une paralysie d'un muscle strié ou d'un muscle à fonctionnement automatique, tel un sphincter. Les réussites les plus flagrantes ont lieu dans le traitement du bruxisme (hypercontraction des mâchoires avec grincement des dents), dans le traitement de l'hypersudation au niveau des aisselles et des mains, dans le traitement des tics qui se produisent du côté sain dans les cas de paralysie faciale unilatérale, mais aussi dans le traitement des migraines (2 % de la population...), quand la migraine est liée à une compression locale, à un endroit très précis qu'on appelle la « trigger zone ».
Le remboursement par la Sécurité sociale est possible quand il s'agit d'un acte médical réparateur au cours d'une pathologie reconnue.